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« Voyez alors notre vieille. Elle passe les deux mains le long de la cicatrice, elle tâte : ça y est, elle a compris. Plaf ! le pied lui échappe des mains. Vlan ! c'est la jambe qui tombe dans la bassine ! Boum ! le bruit du bronze ! Et la voilà qui part à la renverse : et toute l'eau par terre ! Oh ! le plaisir, la douleur en même temps qui l'envahissent ! Ses deux yeux soudain pleins de larmes, sa voix chaude qui s'étrangle ! ».
L'Odyssée, chant XIX, vers 467-472.
Derrière tout grand roman, tout grand film, toute époque, aussi, et surtout la nôtre, il y a l'Odyssée. Alors, pour mieux voir, au cinéma de l'Aveugle Homère, les mésaventures du plus célèbre vagabond de la littérature, il faut peut-être mieux entendre, en français d'aujourd'hui, les mille bruits que fait la vieille langue grecque. C'est l'expérience de « vision vocale » que tente, dans la présente « version française », l'helléniste, récitant et musicien, Emmanuel Lascoux.
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En vue d'une réception qu'elle donne le soir même, Clarissa Dalloway sort acheter des fleurs. Commence alors une très longue journée de déambulation qui oscille entre le présent et le passé, l'intérieur et l'extérieur, le désespoir et l'amour de la vie, les heures frappées par le carillon de Big Ben. Sous le grand ciel bleu de ce jour de juin, Londres devient une houle qui, tour à tour, submerge, réconforte, transporte Peter, Hugh, Richard, Elizabeth, Sally pour les ramener tous autour de Clarissa, à sa soirée.Paru en 1925, Mrs Dalloway reste l'un des fleurons du roman moderne qui déconstruit les sensations, le temps et l'action, avec la grâce d'un poème en marche.Nouvelle traduction inédite de Nathalie Azoulai.
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Quand l'amour est comme le mien, juste un rêve solitaire infini, une insulte au malheur, un crachat à la face du destin, alors il élève ses flammes jusqu'aux cieux, il brûle et purifie tout et ne s'éteint jamais, ne se réduit jamais à un feu dans une cheminée qui réchauffe et apaise, qui illumine une maison bienheureuse.
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En avril 2021, Emmanuel Lascoux publiait sa « nouvelle version » de L'Odyssée d'Homère (P.O.L) qui créa la surprise. Il récidive aujourd'hui avec L'Iliade, dans une nouvelle traduction du texte grec d'Homère, à partir de son travail original sur le grec ancien qu'il rythme, chante et crie depuis plusieurs années. Cette épopée se déroule pendant la guerre de Troie entre les Achéens venus de toute la Grèce et les Troyens et leurs alliés, chaque camp étant soutenu par de multiples divinités comme Athéna, Poséidon ou Apollon. La « version » de Lascoux bouleverse également notre réception de cette épopée fondatrice. « Passez votre chemin, si vous cherchez la justice, écrit Lascoux dans une prodigieuse préface rédigée comme une dramaturgie sonore du texte homérique. Ici, tout est motif à protester, à sortir de ses gonds : la vie est doublement injuste pour les hommes, à commencer par sa fin, et à remonter toutes les frustrations qui la précèdent, et simplement injuste pour les dieux, si l'on en croit leurs sempiternelles protestations, et le rappel des mauvais moments de leur éternité. Le même Apollon, là, qui punit maintenant les Achéens, qui avantage les Troyens, rappelez-vous tout ce qu'il a souffert pour les bâtir, les murs de Troie, esclave de Laomédon, le père de Priam, avec l'autre grand coléreux, Poséidon, le dieu qui secoue terre et mer de ne pas avaler la manière dont Zeus et Hadès, ses deux frères, ont fait le partage au grand Yalta de la Seconde Guerre Cosmique. »
Cette « version française » de la célèbre épopée homérique réalise l'union paradoxale du plus grand respect du texte, et de la plus grande liberté de jeu, restituant en français contemporain le « phrasé » de la langue polyphonique de l'aède. Sans jamais oublier que dans l'antiquité grecque, dès l'épopée, « la musique réglait tout, jusqu'à la politique » (Lascoux), et l'aède était « le premier polyphoniste, l'homme-orchestre ». Comme Emmanuel Lascoux aujourd'hui. -
Non, non, non et non ! Allez, viens en prison ! On va chanter tous les deux seuls ! Comme des oiseaux en cage ! Et quand tu me demanderas ta bénédiction, je me mettrai à genoux. Pour te demander pardon ? On vivre comma ça. Prier, chanter. Raconter de vieilles histoires et rire aux papillons dorés. On aura tous les potins de la cour par une bande de crétins. On aura de bonnes discussions pour savoir qui perd qui gagne... qui est in ? qui est out ? On prétendra expliquer le mystère des choses. Comme si on était les espions des dieux. On tiendra le coup entre les murs. Même au milieu de cette meute, de toutes ces sectes, de tous ces gangs qui vont et viennent comme la marée sous la lune.
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Les montagnes du Massachusetts à la fin du XIX? siècle. Ethan Frome est un jeune homme pauvre qui aime les livres et rêve de voyages. Il a hérité d'une ferme et d'une scierie qui ne rapportent rien, épousé une vieille cousine hypocondriaque. Et, sans comprendre ce qui lui arrive, il tombe amoureux pour la première fois. En trois jours, sa vie va basculer. Même la mort ne voudra pas des héros de cette tragédie rurale, chef-d'oeuvre atypique d'Edith Wharton.
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Le héros de ce roman, Lars Hertervig (1830-1902), est aujourd'hui considéré comme un des plus grands noms de la peinture nordique. Très tôt, dès ses études à Düsseldorf, il fut victime de troubles nerveux. Après un séjour en asile, brisé, il vécut jusqu'à sa mort de charité publique. Comme s'il tentait de capter cette lumière qui illumine les toiles du peintre, avec une grande économie de moyens, une sorte de minimalisme emporté, Jon Fosse fait revivre le martyre d'Hertervig en deux monologues intérieurs où une écriture enveloppante, répétitive, rythmée, développe jusqu'à l'angoisse l'obsession amoureuse et la tresse cruellement à la volonté créatrice.
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Dans un entretien, Charles Reznikoff déclarait : «Je vois une chose. Elle m'émeut. Je la transcris comme je la vois. Je m'abstiens de tout commentaire. Si j'ai bien décrit l'objet, il y aura bien quelqu'un pour en être ému, mais aussi quelqu'un pour dire "Mais, Bon Dieu, qu'est-ce que c'est que ça?" Peut-être les deux ont-ils raison.» Telle est, très précisément, la situation que Le Musicien met en scène. Ils sont deux : Jude Dalsimer, pour qui sa musique est toute sa vie, pour qui tout est matière à écrire de la musique et son ami, le narrateur, que la musique de Jude n'émeut pas du tout. Sur fond d'Amérique en crise, à l'époque de la Grande Dépression (chômage, misère, difficile intégration des immigrés, notamment des Juifs), Le Musicien retrace ? de Hollywood, où il gagne sa vie comme aide-scénariste, à New York où il revient après avoir perdu son emploi ? la vie d'un créateur voué à l'indifférence, l'incompréhension et la solitude.
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En novembre 1974, Werner Herzog apprend que son amie Lotte Eisner, critique et historienne du cinéma allemand, est très malade, on craint pour ses jours. Alors, il décide de se rendre auprès d'elle, à pied, de Munich à Paris. C'est un geste de chevalerie, un acte fou dicté par l'amitié, avec la certitude non moins folle qu'au bout du chemin Lotte Eisner serait vivante, et hors de danger. Du 23 novembre au 14 décembre 1974, il tient un carnet de route devenu depuis lors Sur le chemin des glaces. À travers cette marche qui anime de bout en bout le récit, Herzog nous réapprend à voir ce sur quoi notre oeil glisse, indifférent. Tout ici est mouvement : chemins, fleuve, oiseaux, arbres, pluie, neige. Reportage mais aussi témoignage d'un homme qui nous fait partager tour à tour ses moments d'exaltation, d'épuisement, de plénitude.
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Pourquoi retraduire, une fois de plus, les sonnets de Shakespeare, ou la Tragédie du roi Richard II ? Pour Frédéric Boyer, traduire n'est pas une simple opération linguistique. C'est d'abord une forme d'engagement, une confrontation sur un sol nouveau avec une patrie qui ne sera jamais tout à fait la nôtre. Mais, en nous déportant dans l'autre langue d'une oeuvre, nous apprenons alors que nous n'étions d'aucun sol particulier, d'aucune patrie. Traduire, et retraduire, est une nécessité pour nous sauver, collectivement et individuellement, de l'oubli dans lequel nous sommes. Nous sommes oubliés des oeuvres et de leurs langues. Les retraduire c'est réveiller leur mémoire de langage. Leur dire : nous sommes là nous aussi, et faire en sorte que nous puissions nous entendre. Leur faire dire : faites-vous entendre en nous, réveillez-nous, je vous prends dans mes mots, dans ma langue imparfaite et inachevée.
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Composées à la fin des années 1960, les onze nouvelles de ce recueil inédit en français n'ont pu paraître dans leur intégralité qu'après 1989, après la chute de Ceaucescu et celle du Mur de Berlin. À travers chacun de ces récits oniriques, souvent absurdes, le jeune Dumitru Tsepeneag dénonce les conditions de vie de l'écrivain au sein du régime soi-disant socialiste du dictateur. Dans la plus importante de ces nouvelles, qui donne son titre au recueil - Mise en scène - l'auteur s'y offre la parodie ultime : la naissance du christianisme, revue et réinterprétée à l'aune de l'histoire moderne du socialisme roumain, et avec une verve ironique et cruelle.
Le rêve acquiert ici une puissance stratégique, et la forme brève, accélérée, des derniers récits crée un redoutable effet de vertige. -
Le club des gourmets et autres cuisines japonaises
Ryoko Sekiguchi
- P.O.L.
- #formatpoche
- 19 Septembre 2019
- 9782818048467
Une anthologie, illustrée, de la littérature japonaise sur la cuisine, et proposée par Ryoko Sekiguchi. Si le Japon est connu comme un pays de fine gastronomie, sa littérature porte elle aussi très haut l'acte de manger et de boire. Qu'est-ce qu'on mange dans les romans japonais !
Parfois merveilleusement, parfois terriblement, et ainsi font leurs auteurs : Kôzaburô Arashiyama, Osamu Dazai, Rosanjin Kitaôji, Shiki Masaoka, Kenji Miyazawa, Kafû Nagai, Kanoko Okamoto, Jun'ichirô Tanizaki...
Ryoko Sekiguchi a rassemblé, du 12e siècle à nos jours, dix gourmets littéraires qui racontent leurs histoires de goût et de cuisine. Le titre du recueil, Le Club des Gourmets, est emprunté à l'oeuvre de Jun'ichirô Tanizaki. Ryoko Sekiguchi a également écrit toutes les présentations des textes et réalisé les traductions des oeuvres citées en collaboration avec Patrick Honnoré.
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Les derniers seront les premiers : Poèmes (1989-2017)
Harry Mathews
- P.O.L.
- Poésies Théâtre
- 15 Février 2024
- 9782818060063
On peut dire de la plupart des poèmes rassemblés ici qu'ils ont des origines biographiques, imaginaires ou d'ordre procédural. Une fois établies ces catégories simples, il est indispensable de ne pas tarder à les bousculer voire à les détruire. En fait, presque tous ces poèmes entrent dans plus d'une catégorie et parfois dans les trois. Harry Mathews
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Été 1922.
En pleine Prohibition, Gatsby, un jeune multimilliardaire sorti de nulle part, aux origines et aux ressources douteuses, organise des soirées somptueuses dans sa villa de Long Island. Tandis que le gratin new-yorkais s'enivre de ses cocktails de contrebande et danse sur ses pelouses, lui n'a d'yeux que pour une petite lumière verte qui scintille de l'autre côté de la baie. Pourquoi s'est-il installé là ? À quoi bon cette fortune prodigieuse ? Aux pieds de qui est-il venu la déposer ? L'a-t-elle attendu, elle aussi ? Le narrateur, impliqué malgré lui dans cette quête romantique, va peu à peu le découvrir, en même temps que la cruauté ordinaire de ceux qui sont nés riches, l'arrière-goût amer des lendemains de fêtes et la fragilité des amours adolescentes.
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Beaux et maudits (The Beautiful and Damned) est le deuxième des quatre romans de Fitzgerald (1896-1940), et sans doute le plus mal connu. Paru en 1921, il y a exactement un siècle, il raconte la déchéance d'un jeune couple, Anthony et Gloria, de la veille de la Grande Guerre au début de la Prohibition. Avec une noirceur radicale, Fitzgerald (qui n'a pas encore vingt-cinq ans) y massacre systématiquement : les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, l'amour, l'amitié, l'intelligence, le romantisme, l'écriture, l'espérance, les ambitions, des plus modestes aux plus nobles, la société américaine, la démocratie, l'armée, l'industrie du cinéma naissant. Aucune échappatoire possible : l'insouciance, l'alcool et la fête sont également disqualifiés. Mais ce pessimisme est un tremplin qui permet à Fitzgerald de faire surgir, sous forme de fragments éphémères, de regrets, de souvenirs impossibles, des instantanés de beauté et de poésie (la Beauté, dit-il plusieurs fois dans le roman, qui n'est poignante que parce qu'elle est condamnée) - et tout particulièrement dans ce qu'il transmet de New York (c'est son grand roman new-yorkais), de ses quartiers, de ses saisons, de sa lumière.
Julie Wolkenstein propose une nouvelle traduction personnelle de ce roman américain à (re)découvrir : il n'existe que deux traductions françaises, l'une ancienne de 1964, l'autre de 2012 uniquement disponible dans La Pléiade.
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Les Prières réunit trois romans inédits en français : Le Fleuve, Paolina, Proviseur.
Dans Le Fleuve, Alessandro erre la nuit à la recherche de l'homme qui a sauvé son fils de la noyade. Paolina chemine seule dans la ville à la recherche des trois hommes avec qui elle a fait l'amour. Elle a quinze ans, trois roses à la main données par une Tsigane, et elle a jusqu'au soir pour savoir si elle gardera ou non l'enfant qu'elle porte. Dans un triste lycée de banlieue, un proviseur, qui s'est rêvé écrivain, se retranche dans son bureau avec deux otages et son fusil de chasse. Chacun des protagonistes de cette nouvelle trilogie romaine prie pour que change le cours de son existence. Ils ont tous le dos au mur, « à la recherche de quelque chose de plus grand qu'eux », écrit Lodoli dans sa préface à l'édition française. Dans l'impasse, ils n'ont rien sinon leur extrême « pauvreté » qui les protège et les sauve. L'important, c'est le chemin parcouru, jalonné de rencontres édifiantes, grotesques, drôles, généreuses, nécessaires. On ira à la fête des vieux enfants, on sauvera une vie dans la nuit, on croisera une lignée de cartomanciennes, un musicien punk, un escrimeur, un orphelin africain, un Dieu pas très catholique au téléphone, des prostitué(e)s, un sanglier blessé, des amours perdus.
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Les Promesses de quoi ? Les trois romans portent-ils des promesses ? Oui, quelques-unes. Sorella promet quil y a aura une connaissance après la douleur, et peut-être même une félicité. Italia promet quoi quil arrive un sens au cours fatal de lexistence, ça ne saute pas aux yeux, mais lange, lui, connaît lhistoire : le temps est un petit bout déternité. Et Vapore promet finalement le pardon, les contraires se rencontrent, les contraires se détruisent, quelque chose, cependant, sait absoudre tant de misère humaine. (Marco Lodoli).
Trois courts romans, donc, où chacun sentend dans un autre par un jeu de reflets et didentiques questionnements. Les personnages sont ancrés dans le réel et la vie qui se délite, mais lauteur, sil jongle avec beaucoup déléments autobiographiques, fait basculer tout cela du côté du réalisme magique. Une religieuse, une servante, une vieille femme : trois narratrices dévident tour à tour dans Les Promesses un récit somnambulique et « vont porter le mystère de lexistence ». Le roi du monde qui tirait les ficelles des Prétendants a abandonné la partie et les trois textes sont émaillés de « Ils » : une entité incertaine, quelque chose qui est plus loin des hommes et qui veille sans sentiments au bon fonctionnement de la mécanique à étioler. Entre « eux » et les humains, il se pourrait aussi que les anges aient à travailler éthérés mais pas exactement en plein ciel. Ils vous attendent plutôt dans lescalier ou au pied de limmeuble. Ils sont autres que ce quon nous a conté, dailleurs sont-ils du bon côté... Ils sont.
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" oui, il y eut la vie avant le cinéma " m'écrivit un jour jonas mekas.
et quelle vie ! que d'errances accumulées entre le moment oú, sous la menace d'une arrestation par les nazis, il doit quitter la lituanie avec son frère adolfas et celui oú, après dix ans d'exil, il s'habitue à l'idée de n'y plus revenir. départ pour vienne et détournement sur un camp de travail forcé près de hambourg. fuite manquée vers le danemark et folle traversée de l'allemagne dévastée par la guerre.
divers camps encore de personnes déplacées, à flensburg, wiesbaden ou mattenberg, avant de pouvoir s'embarquer à destination de new york. il connaît alors la solitude des quartiers pauvres de brooklyn, cherche du travail jusqu'en usine, mais découvre aussi l'amitié de la communauté immigrée, fait ses premiers pas de cinéma, lance la revue film culture. cette odyssée oú la personne déplacée incarne à son corps défendant la figure tragiquement moderne d'ulysse, mekas la raconte simplement, à mots comptés et bouleversants, dans je n'avais nulle part oú aller, le journal écrit qu'il a tenu de juillet 1944 à août 1955.
on y découvre un cinéaste d'abord écrivain, mais dont l'écriture pointilliste et épiphanique n'a déjà pas son pareil pour rendre cinématographiquement, comme à travers l'enregistrement faussement brut d'une caméra imaginaire, la vision fugitive du suicide d'un jeune déplacé, les longues conversations passées à refaire le monde, ou les nuits étrangement inquiétantes de manhattan. pour mekas, comme pour tant d'autres déracinés du vingtième siècle, l'histoire est un cauchemar dont il a fallu s'éveiller en dénouant les liens mêmes du temps.
quand ce nouvel ulysse s'approche enfin d'ithaque, les souvenirs le submergent, l'enfance remonte en lui, et une pluie scintillante d'infimes fragments de paradis retombe doucement sur terre.
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Dennis Cooper présente lui-même J'ai fait un voeu, comme son entreprise la plus personnelle et intime : écrire sur George Miles qui lui a inspiré les romans Closer, Frisk, Try, Guide et Period entre 1989 et 2000. Cooper a construit une mythologie littéraire autour de ce personnage. « J'avais, depuis très longtemps, envie d'écrire un roman sur le vrai George Miles... un sujet très difficile pour moi », explique celui que Bret Easton Ellis qualifie de « dernier hors-la-loi de la fiction américaine ». Il s'agit de sortir George Miles, l'ami et amant suicidé dans l'oubli à trente ans, des personnages de fiction qu'il avait inspirés. Georges et Dennis seront les deux personnages principaux du livre. Mais dès le départ tout déraille, George se dédouble, en différentes versions, à plusieurs âges différents, et dans plusieurs situations. Ce roman est une variation de fictions autobiographiques où les personnages, les sentiments se transforment, se déplacent, mutent. La narration devient un labyrinthe à géométrie variable où le désir défait à la fois l'enveloppe des personnages et les intentions du narrateur, multipliant les degrés de fiction : autobiographie, fantastique, comique. Dans quel monde de fiction raconter la perte et le deuil ? Le narrateur tente la réécriture du Coeur est un chasseur solitaire, de Carson McCullers, ou d'un conte de fées, convoque drôlement la figure du Père Noël ou celle d'un serial killer, crée une circulation ininterrompue entre différentes formes, et des passages qui laissent le lecteur hilare, et d'autres où la fragilité du texte devient bouleversante : une plaie à la tête à coup de hache, le pistolet du suicide, les ratés du langage et de l'art conceptuel, les chansons de Nick Drake. Les variations étranges, et l'aspect hautement comique de J'ai fait un voeu, ses éruptions de sang, de sexe et d'émotion évoquent aussi les GIFs, ces images qui tournent en boucle sur internet et que Dennis Cooper manipule pour en faire des romans en ligne inspirés des espaces du jeu vidéo.
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Si un poète écrit sur une catastrophe à la veille d'un événement désastreux, ce n'est pas un hasard.
Si le récit d'une catastrophe débute immanquablement par la veille, ce n'est pas un hasard. Chronique tenue du 10 mars au 30 avril 2011, sur la superposition des images, la mémoire des villes, le hasard, la temporalité de la description et les noms propres qui surgissent, fantomatiques, lors d'une catastrophe.
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Alexander Kluge est relativement connu, en France, pour sa filmographie, abondante et variée, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une large rétrospective à la Cinématèque Française en 2013. L'écrivain est en revanche ici pratiquement ignoré, sinon des germanistes, alors qu'il est une des figures les plus célèbres de la littérature allemande contemporaine et salué comme tel par les médias allemands, le public, l'édition.
Son originalité réside dans une manière de parler de la réalité contemporaine allemande en s'appuyant aussi bien sur son immense culture classique que sur un maniement très original de la fiction, à travers, le plus souvent, de brèves séquences qui sont autant d'apologues dont la juxtaposition et l'accumulation finissent par composer une véritable fresque de l'histoire de son pays et, au-delà, de celle de la pensée et de la sensibilité occidentales.
Cette écriture, cette démarche si originales sont actuellement absentes du paysage littéraire français, c'est la raison pour laquelle une traduction de l'ensemble de cette gigantesque entreprise qu'est « Chronique des sentiments » nous a paru indispensable.
Les sentiments sont les véritables occupants des vies humaines. On peut dire d'eux ce que l'on a dit des Celtes (nos ancêtres, pour la plupart d'entre nous) : ils sont partout, seulement on ne les voit pas. Les sentiments font vivre (et forment) les institutions, ils sont impliqués dans les lois contraignantes, les hasards heureux, se manifestent à nos horizons, pour s'élever au-delà vers les galaxies. On les trouve dans tout ce qui nous concerne.
Ce dont les hommes ont besoin au cours de leurs vies, c'est de l'ORIENTATION. Comme il en faut aux bateaux. Telle est la fonction d'un si gros livre : que l'on compare, se sente rebuté ou attiré, dans la mesure vu qu'un livre fonctionne comme un miroir.
Nul ne lira autant de pages d'un seul coup. Chacun se contentera d'aller vérifier, comme dans un calendrier ou, précisément, une CHRONIQUE, ce qui le regarde. L'orientation subjective - savoir à quoi me fier, ce que je dois craindre, à quoi tiennent les actes délibérés - donnent ce courant de fond, que le temps qui court ne suffit pas à transformer et qui constitue la vraie chronique.
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Vols d'oiseaux, mélanges donc l'air réarrange tous lieux, chat, verre et son poids ? Tout pour dire ma façon d'être autre ment, si autrement Quand Stacy Doris fut emportée par la maladie en 2012, elle était l'une des poétesses américaines les plus novatrices de sa génération. Mue est le testament charnel et intrépide qu'elle adresse à son mari et à leurs enfants, saisis dans leur envol, leur premier plumage.