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Sciences humaines & sociales
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« L'intellectuel moderne naît, à mes yeux, au XVIIIe siècle, lorsqu'il échappe à la mainmise royale et à l'omniprésence religieuse. C'est la société qui constitue désormais son bain amniotique et non plus la monarchie et l'Eglise. Il prend place pour un face-à-face avec le pouvoir : cet affrontement définit son identité autant que le travail de création. L'intellectuel pense le monde : les mots sont des actes, les idées des armes, les théories des canons. C'est une spécialité très française. C'est donc à la rencontre de ce personnage que je suis parti. En quête aussi d'une réponse à une question lancinante : pourquoi les intellectuels français se sont-ils mis, au fil des décennies, à penser de plus en plus faux ? Pourquoi parviennent-ils à mener souvent des combats empreints d'humanisme et simultanément à divaguer idéologiquement ? Pourquoi la nuance, la mesure, l'équilibre sont-ils devenus aux yeux de la plupart, y compris aujourd'hui, des mots obscènes ? De même qu'historien du dimanche j'ai osé une Histoire de France, intellectuel de pacotille, je prends le risque de plonger au coeur de la corporation la plus durablement puissante de notre pays. De multiples pas de côté, des impasses voulues, des choix assumés, des raccourcis osés, des coq-à-l'âne délibérés, d'innombrables jugements à l'emporte-pièce ; tous les ingrédients sont là d'un procès en sorcellerie. Mais un peu de mauvaise foi souriante n'est pas interdit vis-à-vis des intellectuels qui cultivent souvent la mauvaise foi grinçante. »A. M.
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Ni grand ni petit historien, tout au plus « historien du dimanche » - au sens où Levinas parlait des « talmudistes du dimanche » - Alain Minc se risque ici à nous raconter son histoire personnelle de la France, de la Gaule du IVème siècle jusqu'à l'élection de Nicolas Sarkozy. Promeneur de l'Histoire, il s'autorise tout ce que s'interdisent les historiens professionnels : rompre les enchaînements de faits, chercher des comparaisons dans le présent pour expliquer le passé (péché d'« anachronisme »), repérer les récurrences plutôt que l'unité des événements, établir sa propre hiérarchie des grands carrefours, des noeuds, des points de bascule de notre roman national, au mépris de la linéarité du temps et des vérités établies, imaginer ce qui aurait pu se passer différemment (péché d'« histoire-fiction »). Cette histoire personnelle de la France est donc portée par des partis pris, une forme assumée de superficialité et des choix par définition contestables. Ce n'est pas manque de respect aux maîtres de cette discipline que de se lancer dans une telle aventure. Alain Minc le fait avec la bénédiction posthume de Fernand Braudel qui lui avait murmuré il y a vingt-cinq ans : « Ecrivez une histoire de France : il n'y a pas de plus bel exercice intellectuel. N'ayez pas peur des historiens : ils ont besoin que l'on braconne sur leurs terres ».
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« Nous assistons à la mort des élites ou plus prosaïquement à la disparition de la classe dominante telle que Marx l'avait mise en scène : la communauté se dissout, qui réunissait les détenteurs de tous les pouvoirs, politique, économique, médiatique, intellectuel. Ce n'est pas simplement l'effet du populisme dont le marqueur idéologique demeure la haine à l'égard de ceux d'« en-haut ». C'est évidemment le résultat des lâchetés et des faux pas des élites elles-mêmes. Mais c'est surtout le résultat d'une société « hyperdémocratique », dirigée par l'opinion et les médias. De là l'apparition, à la place des anciennes élites, d'une élite de notoriété qui recherche l'influence à défaut du pouvoir, le salut individuel plutôt que des intérêts de classe. Son poids réel est illusoire : ce sont, désormais, par un étrange retour de balancier, les hommes qui font l'histoire et non plus les forces sociales. Le crépuscule des petits dieux est donc irréversible. »
Alain Minc -
Quels sont les grands défis de l'an 2000 ? Quelles grandes actions économiques et sociales s'imposeront à la France dans les années à venir ? Assurer une croissance sans inflation capable de favoriser l'emploi. Rendre plus efficace l'État-providence. Adapter notre système productif à la mondialisation des échanges. Sur ces problèmes-clés pour la société française, Édouard Balladur a demandé à Alain Minc d'animer la réflexion d'un large éventail de personnalités. Son rapport s'affirme déjà comme un classique.
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Depuis que l'histoire s'est remise en mouvement, après la chute du communisme, les Occidentaux oscillent entre le culte des dates et le goût des prophéties. Côté dates, 1989 aurait clos le vingtième siècle et le 11 septembre 2001 aurait ouvert le vingt-et-unième. Côté prophéties, nous avons connu l'irénisme dans les années quatre-vingt-dix, la paix et la prospérité étant supposées régner pour « les siècles des siècles », puis après les Twin Towers, le conflit des civilisations et une troisième guerre mondiale d'un nouveau type.
Tel est le mélange de faits et de simplismes qui nourrit notre quotidien. Il occulte les forces souterraines à l'oeuvre qui établissent le décor du théâtre mondial. Ces forces mêlent fatalité, paradoxe et hasard. Elles portent en elles le poids des phénomènes qui relèvent de « l'histoire longue » braudelienne : traditions, identités, cultures. Quelques-unes se lisent à livre ouvert ; d'autres sont encore inscrites à l'encre sympathique.
Exemple des premières : la transformation des Etats-Unis, d'un nouveau monde qui nous ressemblait tant, à un autre monde qui nous est de plus en plus étranger. Exemple des secondes : le développement, à terme, d'un modèle capitaliste chinois qui pourrait donner raison aux prophéties les plus noires sur le destin de l'économie libérale. Mais où classer la plasticité de l'Occident, dont celui-ci est inconscient, et qui avalera le terrorisme, comme il l'a fait pour tant d'autres chocs ? Et la plus grande faiblesse de notre système économique, qui ne tient pas au risque d'accident sur les marchés mais à l'absence de social-démocratie dans les nouveaux pays émergents ? De même, doit-on regarder l'Europe comme un « OVNI » dans le monde contemporain ou, au contraire, comme l'illustration même de la modernité, sa complexité témoignant de son adaptabilité ?
La France est malheureusement à mille lieues de ces débats-là. Plus « village gaulois » que jamais, en pleine régression dans sa compréhension du monde, elle choisit des mauvais enjeux et ignore les vrais. -
«Nous ne nous sommes, depuis lors, jamais quittés, ce vieux Karl et moi. Plus la vie me faisait pénétrer les arcanes du monde capitaliste, plus Marx m'apparaissait unique, le seul à avoir compris, décrit, encensé, percé à jour un système dans lequel l'économie de marché et les mouvements profonds de la société sont indissolublement liés.»Le drame du libéralisme est qu'il rime souvent avec conservatisme et réaction, alors qu'il devrait en être l'antithèse:encore faudrait-il que ses épigones aient lu Marx ... Marx, élu meilleur antidote à la pensée anticapitaliste? Ce n'est pas le moindre des paradoxes mis en lumière dans cet essai décapant.Alain Minc nous fait redécouvrir une oeuvre qui incarne une tentative unique de penser le monde, en embrassant la philosophie, l'histoire, l'économie et la sociologie. Relisant le Manifeste communiste, Le Capital ou Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, lui qui se présente, non sans espièglerie, comme le dernier marxiste français livre ses propres hypothèses sur l'économie et la politique contemporaines.Il donne à voir un Marx qui se révèle éminemment pertinent dans sa description de la dynamique capitaliste, conçue comme une force de progrès. Un homme à l'ambition prométhéenne, dont la construction théorique et la vie ne font qu'un. L'auteur qui, de tous, nous aide le mieux à comprendre le monde d'aujourd'hui, et à agir pour une société plus juste.
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Dictionnaire amoureux du pouvoir
Alain Minc
- Plon
- Dictionnaire Amoureux
- 9 Novembre 2023
- 9782259314084
La vie plurielle d'Alain Minc dans la sphère économique, au coeur du monde des médias, en lisière de l'univers intellectuel et aux confins de la vie politique, lui a fait découvrir toutes les formes de pouvoir qu'il partage avec les lecteurs.
" Le théâtre des pouvoirs offre le plus bel espace pour s'amuser de la vie, des hommes, des circonstances.
Je n'ai jamais exercé de vrai pouvoir et j'ai délibérément évité les voies qui auraient pu m'y conduire. Mais la vie plurielle que je me suis construite, dans la sphère économique, au coeur du monde des médias, en lisière de l'univers intellectuel et aux confins de la vie politique, m'en a fait découvrir toutes les formes. Ce dictionnaire se définit comme amoureux, mais tomber amoureux du pouvoir relève d'une légère pathologie. Traiter avec lui exige de s'imposer une hygiène qui prend, de mon côté, une forme symbolique : je porte depuis trente ans dans ma serviette un fac-similé de la lettre adressée le 2 novembre 1942 par Pierre Brossolette au général de Gaulle. C'est une leçon admirable de liberté de ton face aux puissants. Si elle a pu prévaloir dans les hauteurs auxquelles se situaient ces deux hommes, elle devrait être à notre portée dans les vies normales qui sont les nôtres. Puisse-t-elle apparaître au fil des pages de ce Dictionnaire amoureux. " -
« Le sentiment s'est ancré de plus en plus fort en moi que les pays, comme les individus, ont un ADN et que si pour eux un partage s'est établi entre l'inné et l'acquis, leur nature profonde a largement conditionné leur comportement sur la scène internationale.
Je ne crois pas à un déterminisme génétique des Etats et des peuples, mais rien n'est explicable dans leurs actions, leurs attitudes, leurs ripostes si l'on ne comprend pas en profondeur les ressorts de leur identité, telle qu'elle a pesé sur leurs relations avec le reste du monde. D'où la quête inachevée, superficielle, contestable, voire provocante de l'âme des acteurs qui occupent, depuis un demi millénaire, le théâtre européen... »A.M. -
L'homme aux deux visages ; Jean Moulin, René Bousquet : itinéraires croisés
Alain Minc
- Grasset
- Document Grasset
- 2 Mai 2013
- 9782246807506
« Les itinéraires croisés de Jean Moulin et de René Bousquet sont fascinants : même milieu petit-bourgeois, radical, franc-maçon, républicain. Même ambition de provinciaux qui rêvent de gloire. Même carrière préféctorale jusqu'en 1940, avec un Bousquet plus courageux et plus brillant. Or, l'un devient progressivement un "héros" et l'autre un "salaud"...
Etait-ce écrit ? Non. La vie est pleine de carrefours et de chemins de traverse. Qui se souvient que Moulin a été durant six longs mois un préfet diligent du régime de Vichy avant d'être mis à la retraite d'office ? Ne l'eut-il pas été, que serait-il devenu ? Bousquet est pris dans l'engrenage de l'ambition bureaucratique, mais tout en planifiant la rafle du Vel d'Hiv, il aide des résistants. Quel aurait été son destin si, au moment où il est relevé de son poste de Secrétaire général à la police en 1943, il avait rejoint la Résistance, puisque la victoire alliée se dessinait ? Et si l'on avait permuté les fonctions, l'un officiant auprès de Cot et l'autre de Laval, les influences respectives auraient-elles déterminé des comportements symétriques ?
Ce livre suit pas à pas les deux hommes et tente de comprendre les évolutions psychologiques, les concours de circonstance, les hasards, les moments de vérité. Une vie n'est jamais complètement écrite. Il n'y a pas un ADN du bien et du mal : c'est une lente évolution qui fait pencher d'un côté ou de l'autre... » -
"L'Europe n'est plus fière d'elle-même. Elle ignore qu'elle est le modèle : un petit coin de paradis. A l'aune des valeurs de liberté, de justice, de démocratie, d'équilibre, elle est exemplaire. Un peu de fierté, que diable ! L'humilité interdit toute stratégie ; la conscience de soi l'autorise."A. M.
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L'europe ? tous en parlent ou en rêvent. pourtant, le risque est grand, dès demain, de découvrir que cet avenir radieux est encombré de nuages et que l'europe pourrait susciter quelques surprises. au coeur de ce livre, une réflexion décisive sur "la nouvelle question allemande" et sur la manière dont, insensiblement, la république fédérale glisse de l'europe de l'ouest à l'europe du centre, pivot et poumon d'un ensemble qui ira de l'atlantique à l'oural. en effet, un processus - inexorable ? - transforme l'europe communautaire des pères fondateurs en une europe continentale qui, enjambant le rideau de fer, risque de conduire à une "finlandisation" douce mais fatale, malgré l'espoir qui commence à clignoter du côté de moscou. la lucidité serait-elle, désormais, europessimiste ? pourtant la partie n'est pas jouée, les raisons d'espérer ne manquent pas et cette "grande illusion" peut se muer - alain minc le dit - en vrai destin. informé, décapant, passionné, ce livre ouvre un débat capital - dans lequel la langue de bois tenait, jusqu'à présent, trop souvent lieu d'idées.
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1989 aura été une année de grâce : le communisme mort, l'optimisme triomphant, le capitalisme arrogant, la démocratie reconnue. Mais le danger gagne vite. Déjà, à l'Est comme à l'Ouest, les nations pointent à l'horizon. Précédées ou accompagnées d'hommes providentiels, cultivant avec une délectation délétère un avatar du national-populisme, elles entendent se venger d'une trop longue humiliation. Leur ferment ? La peur, réelle ou fantasmée. L'incertitude à l'extérieur, les pulsions d'identité à l'intérieur, avec pour prétexte l'immigration et les minorités. Après un demi-siècle d'internationalisme, nous voici obligés de réinventer une idée nationale, elle-même adossée à une vision de la démocratie qui sache prendre en compte cette nouvelle réalité. Et d'en appeler à la résurrection du Politique (contre la politique) et de l'Etat-nation (contre les nationalismes) : "La nation, oui, mais sous le gouvernement de la raison.".
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" Le conformisme a changé de camp. Ce n'est plus le vieux conformisme bourgeois qui règne, mais un nouveau " politiquement correct " à la française. Il est l'apanage des maîtres du moment : féministes, gays, communautaristes, croisés de l'anti-mondialisation, dévots de la pureté, apôtres du populisme, parmi d'autres. Leur discours est omni présent ; leurs aspirations triomphent ; leurs fantasmes fabriquent désormais l'imaginaire collectif. La société a abdiqué devant eux, comme elle le faisait autrefois devant les seules classes dirigeantes. Etonnant renversement de perspective : est devenue dominante l'idéologie de ceux qui ont l'intelligence de se présenter encore comme les dominés.
" Ni Dieu ni maître " : pourquoi le plus beau des principes ne s'appliquerait-il pas à nos nouveaux maîtres ? Pourquoi échapperaient-ils à toute interpellation. Pourquoi, exhibant, tels des quartiers de noblesse, leurs souffrances passées, ou leur marginalité d'hier, seraient-ils à l'abri de la critique qu'ils ont, à juste titre, développée à notre endroit ? "
Dix épîtres à nos nouveaux maîtres pour lever cette chape de plomb :
ØPremier épître : à nous-mêmes, les mal pensants
ØDeuxième épître : aux féministes
ØTroisième épître : aux gays
ØQuatrième épître : aux communautaristes de tous acabits
ØCinquième épître : aux zélotes des " ONG "
ØSixième épître : aux croisés de l'anti-mondialisation
ØSeptième épître : aux obsédés de l'anti-américanisme
ØHuitième épître : aux dévots de la pureté
ØNeuvième épître : aux apôtres du néo-populisme
ØDixième épître : à nous-mêmes, hypothétiques bien-pensants -
« L'Allemagne est désormais, à mes yeux, le pays le plus démocratique et le plus sain d'Europe. Incroyable renversement historique! Mais prisonniers de leur pessimisme et de leur anti-germanisme primaire, les Français croient le succès allemand irréversible et menaçant. Rien n'est plus faux. Cette Allemagne qui va connaître économiquement un relatif déclin, n'aspire malheureusement qu'à être une "grosse Suisse" prospère et paisible. C'est pour nous, Français, une tâche paradoxale et noble que de la pousser à ne pas être un acteur édenté mais à exercer le magistère tempéré qui lui revient. »Alain Minc
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Pourquoi se risquer, aujourd'hui, dans un éloge vibrant de Mirabeau ? Et pourquoi célébrer, à l'heure des déferlantes populistes, un tribun réputé pour son tempérament, sa petite vérole et son jeu plus ou moins trouble entre une monarchie agonisante et une Assemblée Constituante découvrant les vertus du parlementarisme ? Sans doute parce que Mirabeau fut, en son temps, le seul homme politique qui aurait pu « arrêter la révolution » (l'expression est de François Furet) ; qui aurait pu, par son talent de démiurge et sa position d'aristocrate rallié aux principes nouveaux , prévenir la Terreur et réconcilier l'Ancien Régime avec la Révolution. Sa mort prématurée (en avril 1791) coïncida avec le basculement de la France dans une tourmente - qui fut, en même temps, la matrice du pire et le creuset de notre modernité politique.
C'est cet homme-là qu'Alain Minc fait ici revivre : de sa folle jeunesse à sa passion interdite pour Marie-Antoinette, des vaines réformes de Necker à celles de Calonne, de ses dettes ruineuses à l'invention de la Monarchie Constitutionnelle, de sa prétendue « corruption » à son amour de la vie, de ses séjours en prison à son rôle majestueux lors de la réunion des Etats Généraux.
Au fil de cette évocation, se dessine, en filigrane, un idéal politique : que se serait-il passé si cet homme avait pu poursuivre son oeuvre ? La France serait-elle devenue une sorte d'Angleterre ? Et les Français auraient-ils alors pris goût à ce « réformisme » auquel ils semblent, hélas, allergiques ? -
« La vie m'a donné, depuis quarante ans, l'opportunité de me trouver au carrefour de plusieurs mondes : économique, politique, médiatique, intellectuel. Ils constituent, à eux quatre, l'essentiel de ce que les populistes baptisent « le système » afin de mieux le vomir et de ce qu'ils nomment avec hostilité « les élites » afin de les vouer à la vindicte publique. Aussi la tentation m'est-elle venue de décrire « le système » de l'intérieur, tel qu'il m'est apparu et que je l'ai vu se métamorphoser.
C'est sans doute, de ces quatre mondes, le politique qui a le plus persévéré dans son être et l'univers médiatique qui a été le plus bouleversé. La vie capitalistique et la sphère intellectuelle se sont contentées de muter sans que leurs fondamentaux aient volé en éclats. »A.M.Analyses, portraits, récits, souvenirs, confidences: ce livre bref est certainement la meilleure introduction au fonctionnement réel de quatre piliers du pouvoir français et de leur évolution dans les dernières décennies, par un « frontalier » qui les connait tous de l'intérieur et qui n'a pas peu contribué à les rapprocher. -
L'optimisme historique s'efface : un règne de plus de trois siècles s'achève, qui avait postulé à la fois le progrès et l'ordre. Progrès, croyait-on, de notre civilisation, puisque, malgré ses faux pas, l'Histoire se devait d'aller dans la bonne direction : le millénarisme communiste n'aura fait que pousser jusqu'à l'absurde cette conviction. Ordre, parallèlement, du monde qui finissait par trouver un équilibre, impérialisme, colonialisme ou concert des nations aidant... Un cycle ne se bouclerait-il pas qui, par une apparente régression, nous ramènerait vers un nouveau Moyen Âge ?Tout ne procède certes pas de la chute du communisme, mais tout s'y ramène. À l'aune des grands effondrements, l'onde de choc est sans égale depuis peut-être la disparition de l'empire romain. L'après-communisme ne se résume ni au triomphe incontesté de l'économie de marché, ni à la vengeance des nations, ni à un hypothétique imperium américain. C'est cette incapacité de découvrir le principe fondateur du monde postcommuniste qui, à sa manière, nous ramène à un nouveau Moyen Âge.À nous de penser l'incertain avec le même soin qu'autrefois le probable, d'inventer de nouveaux concepts, de réestimer le rôle de l'État, d'essayer de réagencer les jeux complexes de poulies et de contrepoids qui structurent les rapports internationaux. Hier, nous avions le droit d'être fatalistes par optimisme ; nous devons désormais être audacieux par pessimisme.
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«Ce livre est un choix hédoniste. Ces hommes d'État m'ont toujours, les uns intéressé, les autres fasciné. À force de les fréquenter, ils finissent, dans l'esprit et dans la mémoire, par se répondre. Pourquoi, dès lors, suivant un procédé qui a eu de bien illustres précédents, ne pas les mettre face à face? Frédéric II et Richelieu sont aussi différents que leur action a été proche:ce pervers et ce monstre sont à la fois dissemblables et voisins. Bismarck et Clemenceau, le conservateur révolutionnaire et le révolutionnaire conservateur, ressemblent aux deux pôles d'une même histoire, celle si longtemps incompatible de l'Allemagne et de la France. Disraeli et Churchill, le Byron conquérant et le Falstaff résistant, témoignent de cette particularité si britannique de n'engendrer de grands chefs qu'excentriques. Harry Truman et Helmut Kohl, ces médiocres de génie, illustrent un style d'hommes d'État auquel la France trop aristocratique et trop élitiste, est peu habituée:ils incarnent cette réalité étrange, la banalité du bien.Appariés à partir d'une mitoyenneté, d'un contraste ou d'un ressort identique, ces quatre couples ont davantage fait l'histoire qu'elle ne les a fabriqués:sans eux, elle aurait, pour le mal ou pour le bien, pris une route différente. À leur manière et parmi tant d'autres, ils témoignent que rien n'est jamais écrit et que ni le destin, ni la fatalité, ni pour beaucoup la Providence ne sont nos seuls maîtres.»