Dans cet essai - qui se lit comme un roman -, le grand historien de la Révolution désensorcelle la sorcière : il la réhabilite, en montrant qu'elle n'est que le résultat d'une époque. Dans la société féodale du Moyen Âge, elle est l'expression du désespoir du peuple. À travers la sorcière, c'est à la femme que Michelet s'intéresse : elle dont la servitude absolue la conduit à transgresser les règles établies par l'Église et le pouvoir. Il met en avant sa féminité, son humanité, son innocence : ce par quoi elle subvertit tout discours visant à la cerner. En l'arrachant aux terrifiants manuels d'Inquisition et aux insupportables comptes rendus de procès, en faisant sentir ce qu'il y a d'insaisissable dans la figure de la sorcière, il la rend à sa dimension poétique.
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple.»
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple.»
«C'était un rude voyage et bien périlleux qu'elle entreprenait. Tout le pays était couru par les hommes d'armes des deux partis. Il n'y avait plus ni route, ni pont ; les rivières étaient grosses ; c'était au mois de février 1429. S'en aller ainsi avec cinq ou six hommes d'armes, il y avait de quoi faire trembler une fille.» De l'enfance paysanne aux flammes du bûcher, Jules Michelet retrace le destin de la «Pucelle d'Orléans».
Avril 1789, réunion des États Généraux - juillet 1794, mort de Robespierre : telle est la période couverte par l'Histoire de la Révolution française, ici republiée d'après l'édition originale parue en sept volumes de 1847 à 1853. Au moment où paraît le tome premier, en 1847, Michelet est un historien reconnu, directeur de la section historique des Archives depuis 1830, professeur au Collège de France depuis 1838. Quand sort le dernier volume, en 1853, il a connu la tourmente des événements, perdu sa chaire au Collège et son poste aux Archives, quitté Paris. Comment la composition et l'écriture de l'Histoire de la Révolution française ne seraient-elles pas marquées par la situation politique ? Aussi cette Histoire est-elle double : le récit de la Révolution de 1789 est comme traversé par l'histoire en train de se faire, de la révolution de 1848 au prince-président et au 2 décembre. Le passé et le présent s'entrecroisent. La Deuxième République meurt sous les yeux de Michelet tandis qu'il s'efforce de faire revivre l'esprit de la Révolution et de redonner une âme au peuple. La rédaction des deux derniers volumes, à partir de l'arrestation des Girondins en juin 1793, coïncide avec les débuts du Second Empire. Le choix de l'édition originale permet de mettre en évidence, dans la présentation proposée pour chaque tome, cette double dimension du chef-d'oeuvre de Michelet. Michelet est «pour tout historien de la France la référence majeure et pour tout citoyen l'une des figures tutélaires de la France républicaine» (Pierre Nora). Il est aussi un «génie authentique et prosateur de grande classe» (Sartre) ; de grands écrivains, Proust, Claude Simon ou Pierre Michon, le reconnaissent comme l'un des leurs ou se reconnaissent dans sa manière d'écrire l'Histoire. Cette manière, il l'a inventée, et elle lui est propre. Ses inoubliables portraits de révolutionnaires (Mirabeau, Danton... ), dont il a préféré montrer la fragilité et l'humanité plutôt que le caractère héroïque, côtoient des scènes au développement narratif sophistiqué ; le regard rétrospectif de l'historien s'y mêle aux perceptions immédiates des personnages qu'il dépeint. «Brunswick dirigea sa lorgnette, et il vit un spectacle surprenant, extraordinaire» : le regard du spectateur historique fait apparaître l'invisible en même temps que le sens de l'événement. L'emploi du discours indirect libre brouille les pistes : on ne sait si les commentaires appartiennent aux acteurs historiques ou à l'auteur lui-même. Les idées se développent sous la puissance de l'imagination. «Ce n'est pas une histoire, c'est une vision», s'écriait Gustave Planche dans la Revue des deux mondes en 1850 : un reproche sous sa plume, bien entendu. Mais aussi la raison pour laquelle le texte demeure présent et actif. Reprocher à Michelet de manquer de rigueur, comme on a pu le faire, c'était négliger la formidable aptitude de l'historien et de l'écrivain à associer l'esthétique littéraire à l'intelligence historique dans sa description du réveil d'une nation qui se découvre souveraine.
Grande, très grande différence entre les deux éléments : la terre est muette, et l'océan parle.
L'océan est une voix. il parle aux astres lointains. il parle à la terre, au rivage, dialogue avec leurs échos ; plaintif, menaçant tour à tour, il gronde ou il soupire. il s'adresse à l'homme surtout. comme il est le creuset fécond oú la création commença et continue dans sa puissance, il en a la vivante éloquence : c'est la vie qui parle à la vie. les êtres qui, par millions, milliards, naissent de lui, ce sont ses paroles.
La mer de lait dont ils sortent, avant même de s'organiser, blanche, écumante, elle parle. tout cela ensemble, mêlé, c'est la grande voix de l'océan.
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. II n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. "Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple."
Extraits du chef-d'oeuvre de J. Michelet, qui au-delà de sa valeur documentaire et historique se distingue par son style lyrique et romantique.
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple.»
Présentation et analyse du cours de philosophie de l'historien, de son introduction à l'histoire universelle et de ses discours sur l'unité de la science et sur le système et la vie de Vico. Le spécialiste de Michelet y relève la dimension métaphysique de son enseignement.
Tenu de 1828 à sa mort en 1874, le Journal de Michelet tisse ensemble un projet intellectuel et pédagogique, une ambition personnelle, une oeuvre-monde, une intimité. Il rend à jamais indissociables l'historien de la France et de la Révolution, dont le savoir et le souffle font aujourd'hui encore notre admiration, et l'homme amoureux, obsédé par la mort et célébrant la vie, consignant son intimité et celle de sa femme, disséquant sentiments et plaisirs charnels, se passionnant pour la biologie et l'histoire naturelle. Étonnante modernité d'un texte audacieux, souvent cru, qui n'a rien à envier à l'autofiction contemporaine.
Tantôt intimiste, tantôt prophétique, Michelet s'adresse tour à tour au peuple, aux femmes, aux générations futures, et à l'humanité entière. Sous nos yeux se joue la célébration du moi tout-puissant, en union avec la nature et l'univers, et son identification progressive au monde. Dans un mouvement résolument moderne, la subjectivité devient le médium absolu de l'histoire. Voilà pourquoi nous entrons aussi facilement dans ce Journal, qui se lit comme le roman de notre modernité.
«Relire Le Peuple, c'est bien retrouver cette pensée agile, toujours en mouvement, capable de mettre en rapport les observations du vécu quotidien et les plus larges perspectives de l'histoire française (et européenne), capable de décrire la patrie vivante à travers son expérience au fil de ses lectures, de Virgile et Pline à Fourier, Perdiguier et Proudhon, c'est redécouvrir au détour de chaque note et de chaque page le génie intuitif de Michelet, jamais égalé dans l'historiographie française. Un bain de jouvence, voire un retour nostalgique aux sources vives d'une autre histoire.»Robert Mandrou.
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple.»
En octobre 1833 paraît un Précis de l'histoire de France jusqu'à la Révolution française. L'auteur, Jules Michelet (1798-1874), âgé de 35 ans, est en pleine possession de son métier d'historien, qu'il consacre désormais au chantier de toute sa vie : l'histoire de France, « pilote du vaisseau de l'humanité ».
Son Précis figure comme le premier manuel d'histoire de France, appelé à une riche postérité. La rigueur originale de la démarche, la hardiesse contenue de la pensée, la maîtrise frémissante du style confèrent une fraîcheur intacte à cet alphabet de notre passé national.
Ces textes sont extraits de La Femme, Hachette, 1860. Ce sont trois des quatre chapitres de l'introduction, « Pourquoi l'on ne se marie pas », « La femme lettrée », « La femme ne vit pas sans l'homme ».
Si les travaux sur l'Histoire de Michelet occupent un pan majeur de son oeuvre, ceux plus empreint de sociologie et de philosophie sont à reconsidérer tant il fait figure d'observateur et d'analyste de premier ordre.
Michelet dresse ici une étude philosophique et sociale, non dépourvue de physiologie et de mysticisme. Il s'applique à rapprocher les deux sexes que l'éducation, les lois ou la société se sont plu à vouloir séparer.
Lui qui, en ménage, fut un mari calamiteux, centré sur son oeuvre et sa carrière, se trouva veuf après 15 ans de mariage, sa femme, s'étant réfugiée dans l'alcool, succomba de la tuberculose. Michelet aurait adapté (en l'inversant) une de ses théories visant à dissocier le mariage de l'esprit de famille :
L'épouse scindant son âme en deux, vers ses enfants et ses parents, au détriment de l'époux. Sans doute aussi quelque goût pour les amours ancillaires...
Ce spectacle, je dois l'avouer, m'a frappé moi-même d'étonnement. À mesure que je suis entré profondément dans cette étude, j'ai vu que les chefs de parti, les héros de l'histoire convenue, n'ont ni prévu, ni préparé, qu'ils n'ont eu l'initiative d'aucune des grandes choses, d'aucune spécialement de celles qui furent l'oeuvre unanime du peuple au début de la Révolution.Grandes et surprenantes choses ! Mais le coeur qui les fit fut bien plus grand !... Les actes ne sont rien auprès. Cette richesse de coeur fut telle alors, que l'avenir, sans crainte de trouver le fond, peut y puiser à jamais. Tout homme qui en approchera, s'en ira plus homme. Toute âme abattue, brisée, tout coeur d'homme ou de nation n'a, pour se relever, qu'à regarder là ; c'est un miroir où chaque fois que l'humanité se voit, elle se retrouve héroïque, magnanime, désintéressée ; une pureté singulière qui craint l'or comme la boue, est alors la gloire de tous.J. M.
La sorcière avait dix-huit ans ; c'était une belle fille et fort désirable, assez grande de taille, la voix douce et pénétrante. Elle se présenta humblement, «comme une pauvre petite bergerette», démêla au premier regard le roi, qui s'était mêlé exprès à la foule des seigneurs, et quoiqu'il soutînt d'abord qu'il n'était pas le roi, elle lui embrassa les genoux. Mais, comme il n'était pas sacré, elle ne l'appelait que Dauphin : «Gentil Dauphin, dit-elle, j'ai nom Jehanne la Pucelle. Le Roi des cieux vous mande par moi que vous serez sacré et couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des cieux, qui est roi de France.»
Pour la nation française, la Révolution est une résurrection. Des profondeurs cachées de l'âme populaire monte un chant glorieux qui abolit une réalité devenue stérile et qui célèbre l'avènement d'une humanité nouvelle. C'est bien ainsi que l'Europe accueillera la parole de la Révolution, comme l'Empire romain, jadis, avait accueilli la parole évangélique : une route jusque-là ignorée s'ouvre, où les siècles futurs trouveront racine. Tel est le paysage où, pendant plus de dix ans, Michelet va s'aventurer, dans une fièvre où l'enchantement et l'angoisse sont constamment mêlés. A travers la Révolution, Michelet s'abandonne à la quête fascinée des passions humaines confrontées à un drame de nature divine, puisque là, l'homme cherche à fonder une histoire antérieurement gouvernée par les dieux. Mais son vrai projet, c'est sa propre résurrection. Comme tout être vivant au cours de son périple terrestre, il est alors en proie à son propre enfer, rongé par le doute, la désespérance et la mélancolie. Cette image noire de sa propre existence, il va la régénérer en la plongeant dams la lumière. Il en sortira illuminé. Et c'est par là que la lecture de l'Histoire de la Rétvlution française reste si fondamentale pour tout homme d'aujourd'hui. Car ici est manifesté de manière exemplaire comment, au-delà de nos déchirements ou de nos incertitudes personnelles, une vision amoureuse du passé peut nous aider à retrouver place dans le devenir humain et à restituer ainsi une signification à notre destin individuel si souvent abandonné au hasard. Contre les puissances de mort à l'oeuvre dans notre temps, Michelet a inscrit ici l'histoire dans une polyphonie somptueuse où la Vie éclate avec une bouleversante fécondité.
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n'est jusqu'aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n'y aient puisé, ne l'aient discuté, ne s'en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu'ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n'a eu qu'un héros : le peuple.»
« L'originalité de la Pucelle, ce qui fit son succès, ce ne fut pas tant sa vaillance ou ses visions ; ce fut son bon sens. À travers son enthousiasme, cette fille du peuple vit la question et sut la résoudre.
Le noeud que les politiques et les incrédules ne pouvaient délier, elle le trancha. Elle déclara au nom de Dieu, que Charles VII était l'héritier ; elle le rassura sur sa légitimité, dont il doutait lui-même. Cette légitimité, elle le sanctifia, menant son roi droit à Reims, et gagnant de vitesse sur les Anglais l'avantage décisif du sacre. »
Pour le cinquième centenaire de la publication des thèses de Luther contre les indulgences, le 31 octobre 1517, nous offrons au lecteur d'aujourd'hui l'anthologie de ses Mémoires réduites à l'essentiel par le grand historien Michelet.
Michelet admira et aima Luther. Il fit du Réformateur l'un des héros de sa « légende des siècles ». En 1835, il publie, à la gloire de l'homme, les Mémoires de Luther, ce recueil de « Propos de table », de lettres et de discours, qui compose une intelligente biographie. Michelet a entretenu avec la Réforme et les réformés une relation privilégiée dans la patrie de Bossuet et Voltaire ! Bravant une censure vivace encore à son époque.
Luther a énormément écrit et ses disciples ont pour ainsi dire récolté la moindre de ses paroles, ce qui fait qu'il y avait un abondant matériel pour raconter la vie de Luther. Matériel que Jules Michelet a alors traduit, mis en ordre et en perspective pour réaliser cette ample bibliographie
Voici un livre oublié, car égaré dans le pli des événements, entre guerre étrangère et guerre civile.
Publié à Florence en janvier 1871, moins de trois mois avant le tragique épisode de la Commune de Paris, La France devant l'Europe est une oeuvre crépusculaire, nourrie par le désespoir d'un homme qui n'a pourtant cessé, au cours de son travail d'historien, d'annoncer la "Révélation" d'une humanité enfantée par l'éclair de la Révolution française. Ce petit texte aussi nerveux que précipité, fut écrit dans la fuite et l'exil, face à la défaite et à l'invasion du territoire national par les armées de Bismarck.
C'est donc un livre de l'effondrement, qui tente de penser le désastre avant même son issue. Il ressort de cette prise de parole et d'écriture prématurée une sorte de prophétisme maladroit et sublime, suspendu dans le temps et qui semble être autant écrit pour soi que pour les autres.
" La puissance d'enfantement qu'eut la France à ce moment éclata par l'apparition subite des deux langues françaises, qui surgissent, adultes, mûres, tout armées, dans les deux écrivains capitaux du siècle : l'immense et fécond Rabelais, le fort, le lumineux Calvin. Cette France de Gargantua, principal organe de la Renaissance, est-elle au niveau de son râle ? Avec ce cerveau gigantesque, a-t-elle un corps ? a-t-elle un coeur ? A-t-elle cette vie générale, répandue partout, que l'Italie avait dans son bel âge ? La France étonne par d'effrayants contrastes. C'est un géant et c'est un nain. C'est la vie débordante, c'est la mort et c'est un squelette. Comme peuple, elle n'est pas encore. Donc, sur quoi porte la Renaissance française ? Faut-il le dire ? Sur un individu. (...) Ce roi parleur, ce roi brillant, qui dit si bien, agit si mal, mobile en ses résolutions encore plus que dans ses amours, cet imprudent, cet étourdi, ce Janus, cette girouette, François Ier, fut un Français. "
Le tome III du Journal s'étend de l'année 1861 à la fin de l'année 1867. L'homme qui l'écrit - Michelet est né en 1798 - reste fidèle à sa discipline de travail, à ses idées, à ses habitudes. Et d'abord à celle de rédiger un journal ! Mais si cette coutume quasi quotidienne lui vient de sa jeunesse, les motifs qu'il se donne ou s'imagine pour l'écrire ont varié. Depuis une douzaine d'années Michelet s'est remarié et l'emprise, ou l'inspiration, d'une femme aimée se fait sentir. En 1865, Michelet en arrive, dans une méditation sur son Journal, à déclarer qu'il l'écrit «uniquement pour elle». Comment Michelet vit et voit cet amour, quelles formes prend cette passion continue, sans cesse renouvelée au fil des années, le Journal le montre en nous montrant un Michelet fidèle... à lui-même, soumis à certaines exigences qui lui sont devenues nécessaires et porté à les idéaliser. Le tome III du Journal fournit à cet égard une documentation précieuse, des éléments d'explication et, sans doute, de discussion. Pourtant Michelet insiste, à juste titre, sur le fait que sa vie conjugale lui fut le moyen de réaliser son oeuvre. De ce point de vue le Journal des années 1861-1867 apporte nombre de renseignements utiles à la compréhension d'une période importante de la vie de l'écrivain : celle des grands achèvements. On y suivra la composition des derniers volumes de l'Histoire de France. Par l'étude de Louis XV, de Louis XVI, Michelet rejoint son Histoire de la Révolution Française : en mai 1867 le grand oeuvre est terminé ! En ces mêmes années il écrit La Sorcière (1862), La Bible de l'Humanité (1864), La Montagne (qui paraîtra en 1868), et le Journal nous découvre, dans le détail, ses lectures, ses préoccupations, son travail quotidien. C'est dans ces ouvrages que l'écrivain passionné par l'étude de la nature, par l'histoire des religions, par la foi en la raison, en l'avenir de l'homme, expose, par divers biais, ses convictions. Le Journal qui le montre sous ses aspects divers lui est parfois aussi le moyen de s'interroger sur lui-même, sur ses intérêts variés et qui peuvent sembler divergents. Michelet prolonge le compte rendu de ses journées par des résumés et des méditations qui l'assurent de son «harmonie ». En ces pages qu'il aime consulter, l'historien revoit, interprète son passé, à leur lumière il décide de son présent, prévoit son avenir proche. Et il nous découvre précisément sa complexité alors qu'il pense retrouver son unité.